Phil...

Un extrait - Partie 1

Phil appartient au monde irréel.

À la fin de son dernier cycle sur terre, il a eu le choix de repartir vers une nouvelle existence ou de rester dans cet entre-deux, il a opté pour demeurer dans l’après-vie et s’est porté volontaire pour assister ceux d’en bas ; il est devenu, comme d’autres, un « missionnaire ».

Il aide des gens qui sont entre la vie et la mort, confrontés au dilemme de « vivre » ou de « périr », ceux qui ont besoin d’un petit coup de pouce pour prendre l’ultime décision. Le coma c’est comme une parenthèse entre les deux mondes, on est là sans y être, dans l’attente de trouver la bonne solution. C’est une douleur pour les proches qui ne savent rien de cet état.

Phil va peu à peu s’immiscer dans leur inconscient. Seuls les êtres d’une grande sensibilité peuvent réagir à la présence de ces êtres des autres sphères. Des semaines peuvent être nécessaires ou quelquefois des mois avant de les voir manifester le moindre effet. Malheureusement dans certains cas le temps manque et la famille décide d’arrêter l’assistance médicale avant même un début de travail ou pire, lorsque le patient commence à bouger, mais sans que cela ait été décelée par l’entourage. Parfois les individus ne cillent absolument pas ou sont fermés à toute tentative extérieure, ce qui se résume au choix de quitter cette existence pour enfin être libéré du maintient en vie. Dans ce cas, il peut arriver que le missionnaire essaie de pénétrer l’inconscient des plus proches parents et surtout des plus compréhensifs afin de laisser aller l’être inanimé qu’ils refusent de voir mourir. La famille est résistante, surtout la première année, mais à quoi bon souffrir plus longtemps ? La tâche n’est pas aisée.

Phil a déjà suivi bon nombre d’individus et tous ne sont pas revenus à la vie. Ce type de traitement, si on peut l’appeler comme ça, nécessite une grande proximité avec le patient pour le faire réagir, et en même temps une distance suffisante pour ne pas intervenir trop dans son existence ou s’y attacher. Même pour des êtres détachés de la vie matérielle il est difficile de rester impassible. Il y a toujours, chez le patient allongé ou l’un de ses proches, une émotion surprenante. À croire qu’ils ressentent cette présence, c’est déstabilisant. Il est bien sûr hors de question pour le missionnaire de se dévoiler à quiconque.

Auprès des sujets il n’en est pas de même. La perception du missionnaire est primordiale, car c’est ce qui les fait réagir. C’est par l’échange qu’ils ont avec lui que le choix se fait de rester ou de partir. Le vécu, les attentes de la vie, les souffrances, les êtres laissés derrière, tout pèse dans la balance, mais le patient est l’ultime décisionnaire de la requête finale. Aucun missionnaire n’a le droit de le faire à sa place; il a le devoir de l’aider à faire ce choix et de s’en tenir là.

Phil est assez apprécié pour le travail qu’il apporte. La constance et la sensibilité font partie de ses qualités, il sait apaiser et trouver les mots justes.

***

Il marche depuis longtemps maintenant sur un chemin escarpé et sinueux à flanc de montagne. Le paysage a changé et se modifie régulièrement en fonction de son état d’esprit. Auparavant, il était au bord d’une plage évoluant sur le sable, ensuite près d’une rivière vive et entourée d’arbres immenses.

Lors de la dernière réunion, il s’est porté volontaire pour un nouveau traitement et ses pensées sont concentrées sur son prochain patient, une jeune femme qui est plongée dans un coma profond depuis presque trois mois et ne présente aucun signe d’éveil.

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